lundi 3 septembre 2007

Langueur



Le camarade Thierry est venu hier, dimanche, nous rendre visite. On a un peu papoté devant certaines de mes photos, et il m'a dit "Est-ce que tu as remarqué que les gens ont l'air tristes ici ?". Lorsqu'à mon tour je lui ai fait remarqué qu'ils ne faisaient pas plus la gueule que n'importe quel Parisien dans un wagon de métro, il m'a répondu : "Mais regarde leurs regards. Il y a une tristesse dans leurs regards qu'ils ne peuvent pas dissimuler."




À bien y réfléchir, ce serait plutôt du fatalisme que j'y lirai. Je n'ai, bien-sûr, de l'Amérique Latine qu'une expérience très limitée, mais j'aurais tendance à penser que c'est un peu une composante de l'âme sud-américaine. Une fois encore, c'est Garcia Marquez qui peut nous faire toucher cela du doigt.

Un fatalisme que leur a enseigné plus de trois siècles d'histoire. Où finalement, les gens ont appris à se tenir à la merci du destin. Un destin qui peut revêtir bien des formes, mais qui souvent prend sa source dans la violence.




Mal endémique de tout le continent. Et pourtant, à bien des égards, la Colombie a été bien mieux lotie que la plupart de ses voisins. Elle reste quasiment le seul à ne pas avoir connu d'intermède dictatorial dans les années 70. Et en dépit du peu d'influence que le pouvoir central avait jusqu'à très récemment sur le pays, l'armée n'a jamais tenté le coup de force ici. Une des raisons de sa prospérité actuelle.




Et malgré tout, oui ! il y a dans les yeux des gens ce fatalisme que ne tempère pas l'indéfectible foi en l'avenir dont font montre une bonne partie des Colombiens. Un fatalisme qui est peut-être matérialisé de la manière la plus emblématique, par le conflit armé qui oppose aujourd'hui le gouvernement aux FARC (seul vrai danger qui menace actuellement le pays), et notamment dans l'un de ses symptômes les plus familiers pour nous : les enlèvements.

Qu'on ne s'y trompe pas, les FARC ne sont plus les courageux guerilleros militant pour la reconnaissance des idéaux marxistes-léninistes. En dépit de leur présence annuelle à la fête de l'humanité, ce sont avant tout des mafieux, dont les leaders se soucient comme d'une guigne du bien-être des populations qui sont, soit-disant, sous leur protection.




Si l'enlèvement fait peser sur la tête des plus aisés une épée de Damoclès (encore que... parfois une simple suspicion d'argent suffise à aboutir à des situations tragiquement – voire mortellement – ubuesques), les plus pauvres changent simplement de maîtres sous le joug d'une misère inchangée, soufflée parfois par les promesses illusoires et démagogiques de lendemains qui chantent. Futiles cautères sur des jambes de bois.

La route semble donc encore longue, mais ici les choses changent vite. Nous le voyons tous les jours. Il y a seulement trois ans, lorsque nous sommes venu chercher Elias, tenir ce simple blog aurait été une vraie gageure technologique.

Time They're A Changin', chantait ce vieux Zim'... décidément ça n'est jamais aussi vrai que dans le Nouveau Monde. Ça prend juste un peu de temps.


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Eric,
le schema de vie et l'histoire du pays dans leauel tu te trouves en ce moment sont assez similaires a ceux des Philippines.
Pourtant, ce fatalisme ne se materialise pas de la meme facon, bien au contraire: les Philippins sont d'un naturel optomiste et toujours souriant.
Je ne pense donc pas que l'analyse que vous avez fait de ce pays soit aussi simple.
Je te dois cependant une chose: les Philippines se trouvent en Asie et n'ont de latin que leur part d'Histoire due aux colonisateurs mexicains il y a bien longtemps de ca...
My five cents worth here.

Seb

Anonyme a dit…

Le brouillard Londonien plombe la perspective de la rue et M.H. n'est pas rentré. Cela me permet de regarder votre blog et d'améliorer un peu la grisaille de notre ordinaire. Superbes photos! Mais je ne suis pas un expert. Je relis une monographie du docteur Moriarty sur "l'Amérique du Sud, faune et flore, un potentiel inexploité" depuis que j'ai vu vos photos.
Je m'évade un peu, grâce à vous. merci encore. Ah! J'entend un pas dans l'escalier, ce doit être M.H qui rentre...