samedi 8 septembre 2007

La rue



Un poème ici. Un genre d'expérience. En dépit d'un plan en damier qui laisserait supposer une certaine rigueur, c'est le bordel.

En haut tout d'abord, avec cet enchevêtrement déraisonnable de câbles, qui découpe le ciel en tranches.




En baissant les yeux d'un cran, ce sont les mesures de protections qui frappent.




Pas vraiment que Bogota soit une ville dangereuse. En fait, elle ne l'est pas beaucoup plus que Paris, mais elle l'a longtemps été, et les vieux réflexes ont la vie dure. Il n'est donc pas rare d'y voir des avertissements de sécurité inquiétants, surtout chez les particuliers.

Toutefois, à trop lever la tête, on s'expose ici, à de sérieux risques.




Les trottoirs sont d'une rusticité qui ferait reculer un sapeur bosniaque, et les pratiquer avec une poussette s'apparente à la pratique d'un sport d'endurance quelconque. Sport qui rentre en concurrence avec l'un des favoris des Bogotanos les moins fortunés : le déboulonnage de plaque d'égoût, qu'ils refondent pour la revendre en lingots de fonte (généralement à la municipalité qui en a besoin pour remplacer les plaques d'égoûts qu'on lui vole). De fait, une faute d'inattention peut facilement vous coûter un genou.




L'entretien de la voirie est quant à lui assez épisodique, les ordures étant d'abord visitée par les recycleurs.




Ils arpentent la ville, principalement les quartiers chics, tirant leurs charrettes à bras. Les plus entreprenants s'y collant avec des carrioles de fortune tirées par des carnes usées.

Les recycleurs ne sont pas les seuls à arpenter le pavé de Bogota. Une foule de colporteurs s'y disputent le chaland.




Que ça soit aux carrefours, ou entre les files de voitures, aux feux rouges...




On peut tout acheter dans la rue en Colombie. Jouets, chargeurs de téléphones, tapis de douches, parapluies (utile le parapluie à Bogota), bois de chauffage, cigarettes à l'unité, même les derniers best sellers – généralement photocopiés à la va-vite et auxquels il n'est pas rare qu'il manque les derniers chapitres –, et puis bien-sûr, il y a de la nourriture...




Au milieu de ça, ces fameux taxis jaunes, dont je vous avais déjà parlé, et les bus...




Pittoresques antiquités qui parcourent la ville Nord-Sud, en attendant que le tout nouveau Transmilenio ne les supplante, ils sont responsables d'une part non négligeable de la pollution de Bogota. Pas d'arrêts, pas de cartes oranges. On fait signe quand on veut les prendre, et le chauffeur s'arrête si il a encore de la place. On paye cash. Ces bus appartiennent à de grosses compagnies privées qui obtiennent des concessions sur des lignes données.





Aussi hauts en couleurs qu'en taux d'oxyde de carbone rejetés dans l'atmosphère, ils ne vont pas disparaître avec l'arrivée de l'ultra-moderne Transmilenio, mais simplement assurer les transports Est-Ouest. Pas de raison que ça soit toujours aux même de trinquer.

Mais il y a une chose que Bogota a pour elle : une lumière incroyable. Nous sommes en montagne d'une part, mais aussi proches de l'équateur. Il en résulte une lumière qui peut être magnifique, chaude. L'heure magique des photographes, avant le coucher du soleil, déverse un déluge d'or chaud sur la ville. Un authentique supplice si vous avez oublié votre appareil...


vendredi 7 septembre 2007

Les enfants de FANA



Sans vouloir faire dans la guimauve, quelques photos de cette fameuse petite fête que nous avons organisée pour les enfants de la FANA.




Dix-neuf enfants, pas tous adoptables, vivent en ce moment à l'orphelinat.




Ils y sont entourés, choyés, et aimés. Juste ce qu'il faut, pour que leur départ prévisible ne soit pas un déchirement. Travail ingrat des femmes qui gèrent au quotidien cette marmaille dont la vie est rythmée par les petits drames d'amitiés forcément trop éphémères.




Mais aujourd'hui, c'est jour de fête. Un peu, quoi... Le temps de décorer le réfectoire avec ce que nous avions acheté l'autre jour à San Victorino, et les enfants débarquaient.




FANA est à Suba, un quartier populaire, néanmoins en cours de réhabilitation (comme en témoignent les immeubles qui s'y construisent). Même si tous les enfants ne sont pas de Suba, leurs histoires présentent toutes d'obligatoires similarités, où seuls les degrés de pauvreté, d'acharnement de destin et parfois aussi de bêtise, changent.




Les enfants qui passent par la FANA n'y restent pas, mais toutes les personnes là-bas font ce qu'il faut pour rendre leur séjour le plus agréable, et le moins traumatisant possible.




Aujourd'hui, avec deux autres familles, nous avons essayé d'apporter notre petite contribution.




Et lorsque je vous parlais l'autre jour du funeste destin qui attendait les deux piñatas que nous avions achetés, ce n'était pas qu'une simple figure de style.




Shreck surtout, a mangé chaud...




L'occasion de se rappeler que l'enfant est une engeance dangereuse...




... et super matérialiste.




Mais pour une fois que ceux-là ont l'occasion de l'être, on ne va pas les en blâmer...

jeudi 6 septembre 2007

Men at work



Bogota est un chantier. Un vrai... de BTP. Depuis quatre ou cinq ans, la ville est la proie des promoteurs.




Après un moratoire de quelques années, la municipalité à de nouveau autorisé la construction de nouveaux immeubles, et c'est depuis une véritable frénésie immobilière. D'autant plus frénétique, que l'économie étonnamment florissante du pays, attire à nouveau les capitaux colombiens qui, jusque là, étaient investis à l'étranger. Ce que l'on appelle la remesa.




Sur les sommes conséquentes réinvesties dans le pays, le gouvernement admet lui-même l'existence d'un excédent de près de trois milliards de dollars dont l'origine demeure totalement inexplicable. D'un strict point de vue comptable, j'entends.

Et de fait, il faut savoir que le rendement de l'argent sale, dans le circuit de blanchiment classique, est de l'ordre de 15%. Pour un million de dollars injecté, l'aventureux entrepreneur n'en récupère guère que 150 000. Certes parfaitement légaux, mais qui ne suffisent pas à faire complètement oublier les 850 autres de faux frais. L'immobilier ouvre donc de nouvelles et alléchantes perspectives pour laver son argent.




Je l'ai déjà dit, ici, on construit vite. Habituellement les murs porteurs et les plateaux des étages, sont en béton, le reste en briques rouges. Les mauvaises langues disent que les immeubles grandissent d'un étage par jour. Il est vrai que les corps de métiers s'y croisent, plus qu'ils ne s'y succèdent. Les électriciens câblent au premier pendant que les maçons cloisonnent le second et que les terrassiers coulent la dalle du quatrième.




Résultat, des immeubles à l'architecture austère – cubique – qui poussent comme du chiendent, offrant des appartements tout équipés (écrans plasma, douche à jets, etc...), mais bourrés de malfaçons. En appliquant les vieilles recettes de la mafia américaine, à base de matériau de mauvaise qualité, de finitions bâclées, de travail au noir, de pot-de-vins, etc..., le revenu de l'argent sale avoisine ainsi les 50%.




Il va sans dire, qu'aux salaires dérisoires auxquels ils sont payés, et compte tenu des conditions de travail, les petites mains, elles, ne trouvent rien à y redire.


mercredi 5 septembre 2007

Fake / Real



Visite à San Victorino, quartier populeux de Bogota qui tient tout à la fois de Belleville, des Puces de St Ouen et des souks de Marrakech. Mission : trouver des piñatas pour la petite fête que nous organisons demain à l'orphelinat.




Un passage couvert nous emmène tout droit dans ce royaume de carton, mousse et papier crépon. S'y alignent en enfilade, pendus comme des salaisons, toutes les stars de nos têtes blondes, attendant sagement leur funeste destin, celui de se faire éventrer à coups de bâtons pour livrer le trésor de jouets et de bonbons que recèlent leurs entrailles.




Sous Son Œil qui frisouille d'indignation, les vitrines du bas sont le paradis de la contrefaçon. De la plus grossière – comme ces Spiderman qui ressemblent à des catcheurs mexicains – à la plus sophistiquée – la X-Box 360.




Mais au-delà de ça, c'est un vrai bonheur de se retrouver dans ce quartier qui vit. Nous sommes bien loin des faubourgs cossus où nous sommes cantonnés habituellement. Ici, on voit vivre les Bogotanos. Toutes les classes (ou presque) s'y mélangent. Des plus modestes aux plus bourgeois.




Le quartier est un joyeux bordel, où les rues se croisent et se recroisent avec une spontanéité autrement plus franche que les impeccables avenues au cordeau de Santa Barbara. Ça bouillonne, ça palpite et ça s'agite, et ça fait un bien fou de s'y plonger.




L'impression de faire, enfin, plus ample connaissance avec la ville et ses habitants.


mardi 4 septembre 2007

Little animals



Encore une sortie de touristes, à Panaca, sorte de grande ferme sur la route de Zipaqira. Perdu dans la montagne, un mélange de Thoiry et de Jardin d'acclimatation.



Le tout dans un style authentique très étudié, qui parvient à maintenir l'illusion le temps d'un cliché.

Comme nous étions en semaine, et que le temps était pluvieux (comprendre "encore plus pluvieux que d'habitude"), on peut dire que nous avions le parc, virtuellement pour nous seuls.




Ce qui n'a pas empêché le personnel de se livrer avec un entrain tout professionnel aux habituelles animations. Sensation étrange, alors que nous n'étions qu'une petite dizaine dans ces immenses gradins vides.

Pour le spectacle, un grand n'importe quoi parfaitement surréaliste : des vaches montées par des vaqueros, et qui dansent sur du James Brown, des chiens qui font un dog show largement cheapos, mais enthousiaste. La palme revenant à une course de porcelets mis en stalles et qui, bon an mal an s'acquittent de leur mission avec conviction.





Si on m'avait dit que je traverserai un océan pour voir un Grand Prix de cochons...

Moi qui me posais des questions quant à mon avenir professionnel, je crois que ma vocation de journaliste est née.

lundi 3 septembre 2007

Langueur



Le camarade Thierry est venu hier, dimanche, nous rendre visite. On a un peu papoté devant certaines de mes photos, et il m'a dit "Est-ce que tu as remarqué que les gens ont l'air tristes ici ?". Lorsqu'à mon tour je lui ai fait remarqué qu'ils ne faisaient pas plus la gueule que n'importe quel Parisien dans un wagon de métro, il m'a répondu : "Mais regarde leurs regards. Il y a une tristesse dans leurs regards qu'ils ne peuvent pas dissimuler."




À bien y réfléchir, ce serait plutôt du fatalisme que j'y lirai. Je n'ai, bien-sûr, de l'Amérique Latine qu'une expérience très limitée, mais j'aurais tendance à penser que c'est un peu une composante de l'âme sud-américaine. Une fois encore, c'est Garcia Marquez qui peut nous faire toucher cela du doigt.

Un fatalisme que leur a enseigné plus de trois siècles d'histoire. Où finalement, les gens ont appris à se tenir à la merci du destin. Un destin qui peut revêtir bien des formes, mais qui souvent prend sa source dans la violence.




Mal endémique de tout le continent. Et pourtant, à bien des égards, la Colombie a été bien mieux lotie que la plupart de ses voisins. Elle reste quasiment le seul à ne pas avoir connu d'intermède dictatorial dans les années 70. Et en dépit du peu d'influence que le pouvoir central avait jusqu'à très récemment sur le pays, l'armée n'a jamais tenté le coup de force ici. Une des raisons de sa prospérité actuelle.




Et malgré tout, oui ! il y a dans les yeux des gens ce fatalisme que ne tempère pas l'indéfectible foi en l'avenir dont font montre une bonne partie des Colombiens. Un fatalisme qui est peut-être matérialisé de la manière la plus emblématique, par le conflit armé qui oppose aujourd'hui le gouvernement aux FARC (seul vrai danger qui menace actuellement le pays), et notamment dans l'un de ses symptômes les plus familiers pour nous : les enlèvements.

Qu'on ne s'y trompe pas, les FARC ne sont plus les courageux guerilleros militant pour la reconnaissance des idéaux marxistes-léninistes. En dépit de leur présence annuelle à la fête de l'humanité, ce sont avant tout des mafieux, dont les leaders se soucient comme d'une guigne du bien-être des populations qui sont, soit-disant, sous leur protection.




Si l'enlèvement fait peser sur la tête des plus aisés une épée de Damoclès (encore que... parfois une simple suspicion d'argent suffise à aboutir à des situations tragiquement – voire mortellement – ubuesques), les plus pauvres changent simplement de maîtres sous le joug d'une misère inchangée, soufflée parfois par les promesses illusoires et démagogiques de lendemains qui chantent. Futiles cautères sur des jambes de bois.

La route semble donc encore longue, mais ici les choses changent vite. Nous le voyons tous les jours. Il y a seulement trois ans, lorsque nous sommes venu chercher Elias, tenir ce simple blog aurait été une vraie gageure technologique.

Time They're A Changin', chantait ce vieux Zim'... décidément ça n'est jamais aussi vrai que dans le Nouveau Monde. Ça prend juste un peu de temps.


dimanche 2 septembre 2007

Vieille flemmasse...


Après tout, c'est dimanche. Merde !

Je m'occupe de mon fils...



... et de ma fille.



Et puis, si j'ai deux minutes, j'irai peut-être draguer, mais... ne le dites pas à ma femme.



Merci.